lundi 10 septembre 2012

Paris, 1933

Stéphanie des Horts, La Panthère, JC Lattès, 2010


Elle a marqué un lieu et une époque, Jeanne la demi-mondaine, Jeanne la panthère joaillière. Originaire de Bruxelles, elle quitte la Flandre des brodeuses pour Paris avec son amant, Pierre de Quinsonas, compagnon d’insouciance. Il lui promet le mariage, elle se retrouve installée dans un hôtel particulier : un oiseau choyé, couvé de diamants. La société des convenances et la famille de Quinsonas n’acceptent pas l’idée d’un mariage avec une femme sans fortune (une simple cousette !) et sans titre.

Le bijou rythme d’abord sa vie comme une parade à l’abandon, parade de séduction : un amant la quitte, un autre homme la charme. La vie régulière des irrégulières en somme. Amie de Gabrielle Chanel, elles brillent lorsqu’elles applaudissent l’avant-garde de la Belle-Epoque, lors de la première du Sacre du Printemps au théâtre des Champs-Elysées en 1913.

L’élégance fluide de Jeanne, sa souplesse, son regard sûr, tantôt langoureux tantôt félin, séduit Louis Cartier, il croit y déceler un instinct de création. Il ne se trompe pas. Leur collaboration durera aussi longtemps que leur histoire d’amour, de 1918 jusqu’à la mort de Louis en 1942. Histoire d’amour étouffée (Louis épousera Jackie Almassy, jeune femme issue de la noblesse palatine), l’inspiration, elle, ne l’est pas, elle évolue librement, Jeanne y met toute sa passion.

Ils jouent avec l’indépendance du bijou, Jeanne veut des pierres précieuses aux montures invisibles. Une indépendance farouche qui glisse les pierres au plus près du vêtement. A l’exposition internationale des Arts décoratifs de 1925, Cartier n’expose pas avec les autres joailliers mais présente ses bijoux au Pavillon de l’Elégance sur les stands et les mannequins des grands couturiers. Le bijou se veut indissociable de la mode.

Les difficultés techniques sont gommées, les difficultés politiques bravées. Pendant l’occupation allemande, les boutiques de la rue de la Paix affichent un oiseau en cage, ce qui vaudra l’arrestation de Jeanne. Elle s’en sort grâce à Chanel, sa complice de toujours.

La guerre est finie, Jeanne est seul maître à bord de Cartier à Paris, le souffle d’inspiration de Louis lui glisse une dernière fois « ma panthère ». Elle dessine un félin en trois dimensions, une broche pour la duchesse de Winsdor. La duchesse est admirative « vous me comblez, vous avez tout compris, vous savez tout de moi ». Elle lui commande des centaines d’autres bijoux panthère. La folie est lancée, les stars et les magazines de mode relayent la flamboyance rauque du félin. Jeanne s’efface en 1976, la panthère reste dans la légende.

 

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