Yohji Yamamoto a toujours
apprécié Paris ainsi que les capitales, lieux d’inspiration et de création. Il
confesse d’ailleurs qu’il se sent plutôt Tokyoïte que japonais, habitant d’une
ville, non pas représentant d’un peuple. Dans ce documentaire réalisé pour le
Centre Pompidou, le réalisateur Wim Wenders suit Yohji à travers Paris et
Tokyo. Ou plutôt il traverse Paris et Tokyo pour rencontrer Yohji. Car la
rencontre avec le créateur se fait en transversale, en traversant les villes,
en traversant et transcendant le vêtement.
Les vidéos se superposent,
asymétriques. Le fil directeur n’est pas linéaire, les mains de Yohji se posent
en diagonale lorsqu’il explique la fabrication du vêtement. Le réalisateur pose
une question : quelle est la première étape, la forme du vêtement ou le
tissu ? Yohji hésite, ses mains hésitent, peut-être que certains matériaux
requièrent une certaine forme, peut-être que certaines formes requièrent
certains matériaux. Pourtant, pour lui, la première étape est le tissu, le
touché du tissu.
Quelle est la première étape ? La
ville ou le vêtement ? Le documentaire est une balade visuelle à travers
la ville. Au détour d’une rue on croise une allure unique. Fugitive, comme
cette passante du Pont des Beaux-Arts qui est habillée en Yohji Yamamoto et qui
nous mène jusqu’aux coulisses du défilé. Le créateur explique le fonctionnement
de son équipe. Ses mains en diagonale dessinent une montagne (en japonais
Yamamoto signifie : « au pied de la montagne »). Puis il
renverse la montagne, il explique : il n’est pas au sommet de la montagne
mais plutôt à sa base, son travail et son inspiration vont infléchir la
direction de son équipe et de ses collections.
La modernité, une succession d’images qui se superposent,
qui défilent et qui donnent leur identité à nos villes, à nos modes de vie, à
nos allures. Wim Wenders s’interroge sur la construction de nos identités, une
somme de souvenirs et d’époques, comme le noir qui est peut-être la somme des
couleurs suggère Yamamoto.
Alors le réalisateur enfile une
chemise du créateur et ce n’est plus la simple satisfaction de voir une
nouvelle image de lui-même qu’il décèle. Lorsqu’il porte un vêtement de Yohji,
il a la sensation de porter du neuf et de l’ancien en même temps, la chemise
lui rappelle le souvenir, souvenir de son père, comme si l’essence de cette mémoire était tissée dans le
vêtement.
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